Séjour Février 2016

25 Janvier 2016   Bonjour à tous

Une semaine au Népal et nous sommes dans le bain, que dis-je,  un maelström d’informations variées.

La situation politique est assez confuse car le blocus qui étouffe le pays depuis octobre en empêchant les marchandises de traverser les points de frontières népalo-indiennes était en train de trouver un consensus. Hélas, lors d’une manifestation, l’armée a tiré faisant 4 morts, ruinant tout espoir proche d’une solution apaisé.

Des files de camions, bus, voitures et motos s’allongent devant les pompes, la circulation est réduite, le marché noir d’essence et de gaz (indispensable pour la cuisine) marche à fond et profite surtout à ceux qui ont des moyens financiers. Pour les autres, c’est compliqué; nous avons eu la surprise de constater en allant visiter une famille à laquelle nous avions fait fabriquer 2 lits il y a 2 où 3 ans qu’il n’en restait plus qu’un car il avait servi de combustible. Beaucoup moins de circulation, on s’entasse dans les rares autobus ou l’on s’empile à 6 adultes dans des minuscules taxis partagés : le taxi ne part que lorsqu’il est complet ! Sportif, surtout lorsqu’on a des bagages. Aujourd’hui, nous étions de sortie en ville et nous ramenions une dizaine de kilos de laine à tricoter pour la remise des prix des élèves du cours de couture dans 2 gros ballots, ok c’était compressible, mais pas les engins du dispensaire : le poupinel (boîte en métal qui sert à stériliser les ciseaux, bistouris, aiguilles… ) et l’appareil respiratoire qui avaient besoin d’une révision. Pauvre Daniel qui les avait sur les genoux, coincé entre les matrones!

Je suis en train de récupérer les tableaux annuels des commerçants qui ont fournis des denrées alimentaires à nos familles chaque mois. Pas trop de mauvaises surprises car le prix du riz (+2%), du sucre et du savon n’a pas ou peu augmenté ce qui n’est pas le cas des lentilles (+18%) source de protéines ou de l’huile (+26%).

Nous avons été visités hier le dispensaire : tout est propre et bien tenu, les arbustes protégés par des mini barrières en lames de bambous. Par contre, il y a eu un court-circuit au niveau du local toilettes-douche, qui n’a pas fait de dégâts trop important, ni provoqué d’incendie. L’électricien a été mandé par le Comité. Un rapide examen des consultations a permis de calculer qu’il y a eu 1 058 visites en un an, un peu plus de femmes que d’hommes mais de tout âge, du bébé à la personne âgée. Le dispensaire tourne bien et la nouvelle nurse Grishma est très appréciée de la population locale. Elle soigne principalement des affections ORL, du système digestif, des blessures, les infos sur le planning familial, les soins aux jeunes enfants et à la femme enceinte….

Nous avons aussi été visités 5/12 écoles où nous avons des enfants inscrits ; situation contrastée avec la réduction sensible des effectifs dans les classes primaires des écoles publiques alors que le nombre de professeurs est stable (il y a parfois des classes de 4 à 5 élèves pour un enseignant car il n’est pas question de regrouper les niveaux). Pour autant, cette désaffection est liée au faible niveau d’enseignement car les élèves se dirigent massivement vers le privé, quoique plus cher. A l’opposé, nous avons trouvé une excellente école publique en montagne qui a un taux de réussite exceptionnel à l’examen final, mais à quel prix ! Les jeunes de classe terminale sont réunis 3 mois pour des extra-cours intensifs en pension complète à l’école pour un prix exorbitant. Si la famille ne peut pas payer, l’élève reste chez lui et ses chances d’avoir l’examen sont réduites. 2 de nos jeunes sont dans ce cas et j’étais outrée de cette situation injuste et j’en ai vivement parlé. Comme le directeur n’était pas là, les autres profs étaient gênés et impuissants à répondre. En allant voir l’un des 2 jeunes exclus, ses grands parents nous ont dit qu’il avait trouvé un autre établissement en ville qui pratiquait aussi la révision en internat (qui semble s’être généralisée depuis quelques années) pour un prix bien moindre. Belle capacité réactive pour ce jeune homme très motivé que nous allons soutenir.

Demain nous attendent d’autres surprises car nous partons 2 jours en mini-trek afin de rencontrer des familles les plus éloignées et dormir sur place chez des amis népalais. Cela évite les allers-retours en jeep (rarissimes cette année). Portez-vous bien tous et ne vous inquiétez pas pour nous, tout est ok mais communiquer par téléphone ou internet reste difficile. Affectueusement BETTY et DANIEL, le 26 janvier 2016 à Milanchowk (Hemja)

Le 29 janvier 2016, me revoici après ces 2 jours intensifs où nous avons vu beaucoup de familles lors d’une grosse réunion et de visites à domicile dans les montagnes. Journées fatigantes bien sûr pour comprendre les différentes conversations par traducteurs interposés, le plus compliqué étant la gestion des interférences. Car les népalais aiment à se mêler du cas des autres familles et cela devient vite catastrofique dans un nepali aïgu qui va crescendo. Nous avons donc fait asseoir la quinzaine de femmes convoquées via les enfants dans les écoles pour ce jour important pour leur famille. En effet, il s’agissait de reprendre contact après un an, de voir avec chacune comment s’était passée l’année, si toute la nourriture avait bien été donnée par l’épicier, si les enfants n’avaient pas été malades et s’ils allaient bien à l’école. Puis, on attaque la prochaine année avec la vérification de l’âge des enfants, voire leur nom car le prénom peut changer (grrrrr), et la classe présumée dans laquelle ils vont entrer à la prochaine rentrée scolaire en Mars. La période où nous venons (janvier- février) permet d’anticiper sur le montant des frais scolaires et le type de cahiers qu’il faudra acheter à l’atelier qui les fabrique car les mamans savent en général si l’enfant change de classe ou non. Nous vérifions aussi auprès des écoles au fur et à mesure de nos visites.

Nous voici avec ces dames installées dehors sur des murets, par terre à la népalaise ou sur un banc fourni par la propriétaire de la gargote qui va leur offrir une tasse de thé pour patienter tandis que Daniel leur donne les photos de l’an dernier. Beaucoup de rires quand il attribue les enfants de l’une à l’autre, c’est bon enfant et on peut démarrer. Imaginez le tableau, sur la place du village, près d’un café et au milieu de l’assemblée faisant un large cercle tandis que je me tiens à califourchon sur l’extrémité d’un banc (plus facile pour m’en servir de support pour mon carnet et la mise à jour du tableau des familles).  Ceci permet une certaine intimité de conversation car la maman s’installe à l’autre extrémité du banc, Indira, notre traductrice, est assise à côté de moi et Bhédia légèrement en retrait pour noter sur une carte de l’AFEN les quantités de nourriture qui seront attribuées chaque mois. Cette carte sera présentée par la famille au commerçant qui aura, de son côté, son tableau AFEN récapitulatif des quantités à fournir par famille et par mois.

Chaque femme invitée sur le banc est supposée repartir après l’entretien mais elles sont si curieuses de happer quelques détails qui donnent lieu à comparaison et commentaires bien sûr qu’elles restent toutes. Nous détectons des problèmes dans certaines familles qui vont donner lieu à une enquête plus poussée à leur domicile ou à l’école. Après la réunion, nous nous séparons après force NAMASTE pendant que je vais payer les boissons consommées. Nous sommes invités à une noddle soup par Mr Lamichhane, le commerçant avec lequel j’ai vérifié les comptes de l’année 2015 qui se sont traduits par une progression des prix compte tenu des évènements de l’année. J’en profite pour lui régler l’écart entre les 4 chèques d’acompte touchés chaque trimestre 2015 pour la nourriture donnée aux familles et le montant réel supporté. Ce système mis au point il y a plusieurs années par Henri et Françoise, les fondateurs de l’AFEN, fonctionne sur la confiance entre tous les partenaires ce qui oblige aussi pour nous de respecter les dates de présence. Nous faisons de même pour les 3 épiciers concernés qui donnent le riz, les lentilles, l’huile, le riz en flocons et les savons tous usages. S’ajoutent depuis peu et surtout pour les personnes âgées, du sucre, des haricots, un peu de thé et des oignons.

Les denrées représentent 60% des besoins car les familles doivent continuer à travailler pour se procurer le reste. Les enfants peuvent ainsi aller à l’école sans être obligés de gagner l’argent de leur nourriture.

L’autre temps fort des ces 2 journées ont été les visites à domicile des familles, surtout celles qui ont déménagées de gré ou de force en raison des évènements. Ainsi, une famille particulièrement pauvre a vu sa maison minuscule et surpeuplée détruite par le séisme d’avril et a construit (en empruntant) un abri solide en bambous et tôles pour le toit. Seulement ce n’est pas joint au niveau du toit et il fait froid la nuit, nous sommes à 1 500m d’altitude: nous donnerons des couvertures de plus. Le gouvernement a donné 5000 roupies dans un premier temps plus 15 000 récemment soit 200€ en tout, comme 1ère aide ; montant dérisoire insuffisant pour l’achat de toutes les tôles. La vieille maison a été rafistolée pour abriter les chèvres. Si les crédits sont débloqués, les familles qui ont perdu leur maison auront 2 laks (2 000€) pour reconstruire. Une autre famille qui venait de construire une petite maison l’an dernier a été éprouvée par un glissement de terrain en aout pendant la mousson. Tout a disparu sauf certains éléments comme les tôles ou les entourages de fenêtres qui ont été récupérés. Maya BK âgée de 63 ans a la charge de 2 enfants (10 et 14 ans) dont la mère a été tuée, il y a 4 ans, par un homme qui cherchait de l’argent et le père n’a pas donné de nouvelles depuis plus d’années. Elle vient de récupérer  -en plus- la charge de ses 2 autres petits-fils de 6 ans dont les parents sont partis à leur tour. Heureusement, elle a trouvé à se reloger à proximité dans une petite maison Gurun et les voisins l’ont aidé à construire une pièce supplémentaire pour loger tout le monde. L’AFEN va payer le solde des matériaux qu’elle doit auprès de commerçant (130€ environ).

Notre nuit dans le village d’accueil aura été sympathique car nous étions accueillis par la belle-famille de Bhédia, 20 ans, ma filleule qui vient de réussir son examen final d’études d’infirmière en 1 ère place de sa promotion. C’est d’autant plus remarquable qu’elle s’est mariée en mars dernier au terme d’1 semaine de fiançailles. Daniel avait discuté avec les parents, le mari et la belle-famille pour qu’ils acceptent de la laisser terminer ses études. Le contrat a été respecté par tous et elle est restée à l’internat jusqu’en Septembre. Maintenant elle est en phase de consolidation pour préparer l’examen d’état dans 2 mois à Kathmandu. Timing parfait car elle attend un bébé pour Mai à sa grande joie et celle de son mari de 27 ans, charmant.

Sur ce, nous allons vous quitter, le comité Croix Rouge local nous a invité pour son meeting et il faudra que j’y prononce quelques mots à la suite d’une douzaine de personnes. Message de fraternité oblige auprès des plus démunis ou des victimes de drames nombreux cette année partout dans le monde. Belle institution que celle d’Henri Dunant.

Nous sommes en forme, très actifs ; demain on sera couvert de tikas rouges parce que c’est la remise des diplômes de l’Ecole de couture, journée importante pour les 18 étudiantes de la session dernière et des 18 nouvelles en cours. On se passerait bien de cette marque honorifique qui finit par teinter nos cheveux et sourcils en rose après nettoyage mais c’est la coutume! BISES à tous, portez vous bien là où vous êtes, ne vous inquiétez pas pour nous, tout va bien. Elisabeth-Betty et Daniel Crozet

Le 31 Janvier 2016, coucou à tous, belle journée aujourd’hui où nous avons vu enfin les Annapurna et le Machhapuchhare qui nous domine de ses 7000 m. Enfin, on finissait par désespérer sortir du brouillard et de la pluie menaçante. Donc, 1er réflexe : lessive à l’eau tiédasse vers 9 h ce matin, le soleil ayant un peu réchauffé l’eau du chauffe-eau solaire depuis 7 h, puis lavage de la tête, impossible avant car l’eau froide me donne des maux de tête. Je peux endurer l’eau fraîche pour me laver par petits bouts mais impossible de se doucher! Essayez pour voir. C’est le w.e des salamalecs  entre la remise des diplômes du Centre de Couture et le Comité Croix Rouge qui réunissait une cinquantaine de personnes dont une dizaine a reçu soit un diplôme encadré soit une écharpe avec collier de fleurs, mais tous ont eu droit à la traditionnelle Tika (poudre de pigment rouge vif) sur le front. Beaucoup de discours, j’y suis allé d’un petit couplet rapide sur les circonstances de la naissance de la Croix Rouge puisqu’il y avait le portrait d’Henri Dunant entouré de petites bougies. On a cru -hélas - que ce serait comme la vente à la bougie et que la réunion cesserait lorsqu’elles auraient toutes fondues: que nenni, plus de 2h30 de réunion. J’ai parlé aussi de l’action de l’Afen qui s’exerce dans la même ligne de pensée que la Red Cross Society au service des plus démunis.

Pas de repos après cette cérémonie, car Tech Nath, notre collaborateur social indispensable depuis plus de 25 ans, nous attendait. Grand pourvoyeur de familles en difficulté pour l’Afen (et professeur en retraite depuis peu), il est connu de toute la population car il s’occupe aussi de politique. Bref, après l’avoir félicité de la bonne tenue du dispensaire dont il est l’actuel secrétaire, nous avons abordé un point sensible qui lui tient à cœur: l’accès à l’éducation des plus pauvres. Or cette année, nous avons constaté progressivement quelque chose d’assez révoltant qui nécessite une analyse plus poussée. Il s’agit des jeunes en classe terminale 10 qui passent en Avril leur SLC (examen final de scolarité obligatoire / niveau 2nde en France). Déjà l’an dernier, les élèves devaient payer de 8000 à 10000 roupies (80 à 100€) pour des extra-cours pendant 1 mois (grrrrr) ; nous avions dit aux directeurs tout le mal que nous pensions de cette pratique payante dont nous avons pris la moitié de la charge pour ne pas pénaliser la dizaine d’étudiants soutenus par l’Afen dans la réussite de l’examen. Cette année, tous les lycées du coin se sont entendus sur des révisions en internat pendant 3 mois au prix de 9 500 roupies par mois soit 32 000 roupies minimum en comptant le transport en autocar sur le lieu de l’examen, l’enregistrement du diplôme…..GRRRRR. Tech-Nat confirme qu’il ne s’agit pas d’une directive du gouvernement mais plutôt d’une initiative locale et d’une entente sous le couvert vertueux d’une meilleure réussite aux examens. Certes, mais qui peut payer de telles sommes ici, le salaire mensuel d’une assistante-nurse est de 8500 roupies, celui d’un professeur en fin de carrière est de 20000 rp/mois, celui d’un(e) ouvrier(e) agricole de 4000 rp, la location d’une pièce sans confort 1000 rp. Soit chacun accepte de payer (en s’endettant), soit l’étudiant est exclus des cours voire de la présentation à l’examen. Dilemme pour tous. Nous demandons de l’aide à Tech Nat d’autant qu’il passe le w.e à Katmandu à un Congrès pour le développement de l’Enseignement Professionnel dont c’est un ardent défenseur comme nous. Il connait beaucoup de monde chez les journalistes aussi et peut dénoncer cette corruption dans les écoles gouvernementales ici et ailleurs n’en doutons pas. En plaisantant, nous lui disons que si çà continue, dans quelques années, toutes les classes procèderont ainsi y compris pour le passage du jardin d’enfant au CP !

Heureusement, nous n’avons pas ce problème avec notre centre d’apprentissage professionnel de la couture et du tricot qui fonctionne depuis 21 ans maintenant. Il est gratuit, ouvert à toutes les jeunes femmes et jeunes filles et sans distinction de castes. 18 élèves peuvent être formées chaque année sur 2 sessions quotidiennes de 4h (6h-10h et 11h-15h), ce qui permet à des élèves éloignées de pouvoir suivre les cours. Indira s’en occupe avec une compétence rare et elle est très appréciée dans toutes ses autres activités auprès des familles et du dispensaire aussi (trésorière). Pour nous, clairement, elle est incontournable au quotidien.

Nous avions invité BISHNOU à la toujours solennelle cérémonie de la remise des diplômes. Bishnou est le directeur du home d’enfants qui s’est installé fin avril 2015 après le 1er séisme, à 2kms de notre PC et dont le financement est assuré par une association française que nous connaissons bien : l’APEK qui a changé de nom en quittant Katmandu pour UTSH « Un toit sous l’Himalaya ». C’est une grande chance d’être proches ainsi car nous pourrons avoir des activités croisées car complémentaires. Pas impossible que nous lui confions Ram, 7 ans et Bipana, 13 ans en voie d’abandon et que nous leur réservions des places pour l’école de couture. Gros avantage, Bishnou parle Français et c’est plus facile pour se comprendre. Du coup, Daniel a pu dire quelques mots lors de la remise des certificats avec traduction directe en Népali. L’évènement a commencé avec un retard d’1 heure environ car on cherchait partout quelques élèves en train de faire des courses dans les boutiques pour le repas !

Une fois tout le monde installé sur des nattes en paille de riz dans la cour (une bonne quarantaine de personnes), le cérémonial a commencé avec tika, remise d’écharpes et de colliers de fleurs pour les officiels, puis chaque étudiante est venu chercher son certificat avec sa photo, les tampons de l’Afen et les signatures d’Indira, Daniel et moi-même. Toutes avaient un ballot de 500 gr de belle laine avec des aiguilles et des échantillons de produits de beauté (merci Corynne), les 5 premières avaient-en plus- un petit pécule et la 1ère, une trousse de manucure. Il y a eu ensuite une distribution de bonbons et de mini peluches pour la trentaine d’enfants présents (merci Approche et autres donateurs, car vous avez fait des heureux !) tandis que quelques filles s’activaient pour remplir rapidement la cinquantaine d’assiettes d’un bon repas (chappattis, purée de pois et pomme de terre, un beignet, une banane et un verre de népali the). Sitôt, les reliefs débarrassés, la fête devenait plus joyeuse et les chants et danses commençaient. Bien évidemment, nous faisions partie de l’attraction et nous avons été sollicités pour les danses. Ce sont les Paudel, propriétaires de la maison où l’école est installée, qui ont donné le plus d’eux-mêmes ainsi que Tulsi à ma grande surprise. Tulsi est un instituteur quasi aveugle que l’Afen aide en complétant son maigre salaire car il n’est pas titulaire. Il venait chercher ses 4 chèques trimestriels quand il a entendu les tambours et tambourins des enfants Gainé et il est parti tournoyer avec les jeunes filles, ravi de l’occasion. Tout le monde s’est dispersé vers 16h après les séances de photos collectives car la plupart ont un portable et on s’en sert beaucoup y compris pendant les réunions!

La journée s’est terminée par le plat de fête local à base de riz au lait enrichi de fruits secs avec la famille Paudel et le jeune couple Bhédia et Saroja qui retournent à l’institution demain, Bhédia comme étudiante et son mari comme professeur. Bonne nuit à tous et bonne semaine; nous pensons bien à vous; Elisabeth et Daniel

 Nous sommes le 4 Février et nous continuons, petit à petit, notre tournée des familles: 33/50 vues à ce jour dont quelques nouvelles signalées par les écoles ou Indira. Toutes doivent avoir été rencontrées avant le 12 février car c’est le 1er jour de l’année au Népal. Les commerçants doivent avoir leur nouveau tableau des denrées à donner chaque mois à chacune des familles aidées et ce, à partir du 13 février.

En marge, nous avons eu la visite de 2 pupilles jeunes mariées, l’une à 17 ans, il y a presque 2 ans quelques jours après son examen terminal SLC et l’autre à 15 ans cet été. La 1 ère, Rotchia est venue avec son jeune mari de 20 ans à peine, très sympathique et son bébé de 15 mois qui commence à marcher. Le couple est lumineux, joyeux et semble bien s’entendre. Ils habitent à 80 kms de Pokhara, dans une ville proche de l’épicentre du 1er séisme le 24 avril dernier et le bébé s’est trouvé enseveli quelques minutes dans l’écroulement partiel d’un mur. Heureusement, il a été protégé par son berceau et sa maman toute proche a pu donner l’alerte. Plus de peur que de mal. Binod le papa, est musicien de la caste des Gainé et nous a fabriqué un superbe Sarangeti (sorte de violon sculpté en forme de sabot) avec nos noms gravés dans le bois. Le dos de l’instrument en  bois peint en noir représente Ganesh avec sa trompe tandis que le manche s’enroule comme la tête d’un oiseau. Le son est aigu, inhabituel mais Binod joue des airs reconnaissables sur les 4 cordes avec son archet. Nous sommes très honorés de ce présent superbe mais le problème va être son transport car c’est un peu encombrant!                                                                                          

 L’autre jeune fille, Hasmita, s’est mariée à 15 ans en Aout, mais elle a tenu à continuer ses études et va rentrer en cl 10 (classe terminale ici) mi- mars prochain. Elle est accompagnée de sa grand-mère Kausali que nous aidons aussi et nous lui faisons les recommandations d’usage sur les risques d’une grossesse trop précoce car elle est très jeune et menue. En fait, elle nous dit n’être pas encore réglée et qu’elle voudrait finir son SLC l’an prochain avant d’avoir un bébé. Son mari de 36 ans est gentil avec elle et il y a 3 autres adultes à la maison qui travaillent dans les champs si bien qu’on la laisse libre pour étudier. Elle dit aussi ne pas avoir perdu au change car elle va rester dans une famille plus aimante, son père étant un homme irascible surtout quand il est pris de boisson. Nous lui disons que nous continuerons de l’aider dans ses études et lui offrons 1 châle et 1 serviette de bain. Elle est devenue une très jolie jeune femme, au caractère de plus en plus affirmé depuis 2 ans et nous sommes moins soucieux pour elle.

Terminé pour les jeunes mariées, encore que, ce matin, nous avons su presque par hasard que l’une de nos pupilles –Gita- 17 ans, s’était aussi mariée il y a 2 mois avec un jeune homme reparti aussitôt au Qatar où il travaille. La maman, qui a 3 autres filles à charge de 10 à 16 ans a été abandonnée par son mari à la naissance de sa dernière fille. Elle n’a pas pu donner de dot mais son mari a considéré que sa femme étant éduquée, il pouvait s’en passer. Du reste, elle continue en cl 10 et il a payé, à l’école, les révisions en internat au coût si exorbitant. Indira nous a dit que la jeune fille était contente de la situation et son mari était gentil. Dans les 3 cas, il s’agit de mariages arrangés où les futurs époux ne se connaissent pas, du moins officiellement, car nous soupçonnons le futur mari de connaitre la jeune fille avant, mais celle-ci n’a guère le loisir de refuser un parti. Faire un mariage d’amour ou se marier en dehors de sa caste est prohibé et les 2 jeunes sont exclus des familles réciproques et mis à l’index. Ils peuvent même risquer leur vie.

Nous avançons toujours avec surprise dans la connaissance de la dure vie de la femme ici. Nous avons rencontré ce matin Hupi POUM 32 ans, mère de 3 enfants de 8 à 12 ans et aidée depuis 1 an par l’Afen. Grande misère, elle vit sous un appentis au toit de tôles percées avec sa mère veuve cette année et ses enfants, son mari l’a quitté enceinte du 3 ème enfant sans donner de nouvelles depuis. L’école lui demande des certificats de naissance pour ses enfants, impossible à faire établir vu le départ du père. La femme n’a pas d’existence légale hors son mari ou son propre père et ses enfants non plus! Sa voisine se propose de l’aider en demandant à son mari de faire un faux témoignage pour les reconnaitre!    Il vaudrait mieux que Hupi Poum aille faire une déclaration d’abandon du foyer par son mari et obtenir ainsi avec cette attestation, des certificats de naissance et plus tard de cartes d’identité. Beaucoup de choses changent pour la famille actuellement avec les nouvelles lois mais il y a un large no man’s land pour l’état civil des années précédentes. Espérons que ses démarches aboutissent sans risquer la prison en plus. Kafkaïen !

Evidemment les familles que nous aidons connaissent toutes des situations complexes par le décès, la maladie ou l’abandon du foyer de l’un ou l’autre des parents, l’exclusion des enfants du 1 er lit lors d’un remariage. Parfois on reste stupéfait de la taille de la famille vivant sous le même toit et dans une grande proximité: 3 générations avec des enfants et petits-enfants issus d’unions différentes ou nous n’aidons parfois qu’un enfant sur le lot, dans une famille de 10 membres car isolé et non encore productif. L’AFEN s’est parfois trouvé confronter à cette situation et lui payer nourriture et l’école (en vérifiant présence et cahiers scolaires) lui évite de se retrouver domestique d’un beau-père et de toute la famille.

A L’opposé, depuis quelques années nous sommes confrontés à un changement des mentalités vis-à-vis des parents âgées. Les fils avec les brus sont supposés prendre soin de leurs parents en habitant avec eux et en les soulageant des durs travaux des champs et autres tâches. L’urbanisation très rapide et l’expatriation font éclater les familles et on trouve des vieillards sans ressources, ni capacité de travailler dans un grand dénuement. Pas de retraite en dehors d’un pécule de 10€ par mois (même ici, c’est dérisoire). 7 à l’Afen. Pire encore, certains fils ou filles disparaissent en laissant leurs propres enfants à leurs parents âgés qui avaient déjà bien du mal à s’en sortir. Là, ils sont sous la ligne de flottaison. Nous avons ainsi 4 couples ou grand-père/ grand-mère isolé qui supportent chacun de 1 à 4 petits-enfants de 6 à 18 ans sans aucune aide ou nouvelles de leurs enfants et que l’Afen soutient bien sûr. 14 enfants sont concernés par cette situation.

Voici donc notre quotidien dans ce pays néanmoins si attachant et nous nous apprêtons à partir demain matin pour 3 jours en expédition près de la frontière chinoise entre Katmandu et l’Everest, là où il y a eu tant de dégâts lors du second séisme le 11 mai dernier. Nous agissons avec une autre association Franco Népalaise « Grandir au Népal » fondée par Jean Pierre Frachon (Clermont-Ferrand) et Arjun Bhusal, l’un des premiers enfants aidé par l’AFEN. Grâce aux dons généreux collectés cette année à cet effet, nous allons apporter des couvertures, châles, serviettes, vêtements à une population très démunie et qui vit sous des abris de fortune sans guère d’aide par les autorités. A bientôt donc et merci de votre patience à nous lire. Betty et Daniel Crozet

Lundi 8 Février 2016, Comme annoncé sur la lettre n°4, voici la relation de l’action que l’AFEN et Grandir au Népal (JP Frachon de Clermont-Ferrand et Arjun Bhusal à Kathmandu) ont réalisé ensemble ce week-end à Sindhupalchowk, lointain district pauvre et isolé situé à proximité de l’unique route reliant le Tibet au Népal (110 kms entre la frontière et Kathmandu  et qui a été construite de 1963 à 1967 par les chinois). Déjà étroite et sinueuse, la route a été très endommagée au nord par l’ensemble des secousses sismiques des derniers mois et nous en voyons les traces. Je relaie l’info du jour dans le journal « The Kathmandu Post » version anglaise bien sûr, car pour le népalais, à l’impossible nul n’est tenu: « sur les 490 impacts des secousses ayant eu lieu depuis le 25 avril 2015, 90% concernent cette région ». Les montagnes et collines escarpées ont toutes été ébranlées et peuvent donner lieu encore à des effondrements ou glissements de terrain. On nous a dit aussi que la Chine avait réduit le trafic marchandises pour des raisons de sécurité. De fait, nous n’avons pas vu beaucoup de circulation mais c’était samedi (jour de repos au Népal), le blocus à la frontière avec l’Inde est toujours actif donc pénurie très importante d’essence et de gaz et enfin, nous avons eu une réplique dissuasive de 5.5 vers 22h vendredi 5, ressentie à Katmandu, avec un épicentre toujours dans cette vallée proche de l’Everest. On vous rassure tout de suite, il n’y a pas eu de dégâts, quelques blessés sans gravité. Par précaution, on a tous dormi habillés avec nos papiers, l’argent, lunettes et lampe de poche à proximité au cas où. Sujendra, le fils d’Indira notre professeur de couture qui avait été blessé aux pieds et à la jambe était fébrile. La population, traumatisée, est en alerte immédiate et dort dans les champs à la moindre alerte ; en ville et en hiver (6° la nuit), pas possible. Donc on dort d’un œil.

Le samedi matin, nous avons donc rejoint notre medium-car occupé par une dizaine de personnes, le fond et le toit bourrés de ballots représentant ce que nous allions distribuer à plus de 35 familles très pauvres et démunies sélectionnées par le comité local et l’institutrice (soit une centaine de personnes). Soit mousse isolante de l’humidité, 35 matelas, 35 draps-couvertures, 35 couettes, 65 oreillers, 40 serviettes de toilette, 40 châles pour les femmes et les vieillards. Pour les enfants : 40 cartables, 720  cahiers, 40 boites*20 crayons, gommes et 100 bics sans oublier les multicolores mouchoirs lavables (carrés en éponge à épingler sur le pull) + 1 taille crayon collectif pour l’école !

 C’était, pour nous, une nouvelle route vers l’Est après Baktapur dont le centre historique et ses merveilleux temples, palais et musées ont été ravagés au printemps. De ci, de là, depuis la fenêtre de notre bus qui roule à 30 kms/h, nous voyons des tas de briques et de pierres, ou des maisons en parties éventrées, ou dont les châssis de portes ou fenêtres ont été enlevées pour être réutilisées. Ce sont rarement les maisons modernes qui ont souffert le plus mais les petites maisons anciennes, sans fondations, en pisé, briquettes ou parpaing de mauvaise qualité. Ce sont les plus pauvres qui semblent avoir été les plus touchés, hélas.

Nous prenons un rapide Dal Bhat (déjeuner) à Dolalghat  avec vue sur le pont de la rivière Indrawati (bonne pêche!) et quittons la route au km 75 (40 kms du Tibet), pour utiliser des pistes plus ou moins carrossables. Le temps est sec et nous soulevons une poussière jaune et ocre irrespirable. Nous arrivons après une quinzaine de Kms de chemins très escarpés et assez vertigineux en croisant juste 1 jeep (ouf !). Sommes-nous à 2000 m d’altitude? que nenni, le GPS de Daniel indique 1100 m mais nous n’avons cessé de monter et descendre. L’habitat est très dispersé dans le district de Kalikot, on distingue des maisons isolées accrochées dans les pentes, brillantes par ses tôles neuves ou ses bâches bleues. Sur les pentes, des bananiers et tiges de canne à sucre, des petits champs colorés jaune et vert.

En s’approchant, on comprend mieux le désastre arrivé ici, 90% des maisons ont été détruites partiellement ou en totalité, il y a eu 5 000 morts et quantité de blessés. Les gens ont été secourus tardivement mais aucune aide ne semble être revenue depuis l’été. Les tôles fournies en urgence ont permis de construire des abris de fortune avec une structure en arceau pour donner moins de prise au vent et pouvoir se tenir debout; quasiment pas de mobilier, peu de vêtements, absence de matériels de couchage, les bâches complémentaires sont abimées, les animaux sont parqués dans les ruines d’anciennes maisons. Les gens s’accrochent à leurs terres, leur seul bien et continuent de cultiver leurs minuscules parcelles sur les pentes en terrasse avec opiniâtreté et courage. Les personnes que nous allons rencontrer sont très démunies et sont heureuses de notre arrivée spectaculaire tant notre bus soulève de poussière. Nous vidons le car et faisons de grands tas de chaque produit étalés sur une vaste bâche posée dans une rizière sèche en cette saison. Il fait doux mais brumeux, nous savons les nuits froides d’où notre hâte à venir ce jour-là. La soixantaine d’enfants présents sont mis en file et viennent, à l’appel de leur nom, recevoir leur nouveau cartable rempli, les plus petits ou ceux qui ne sont pas scolarisés reçoivent un pantalon de jogging, un bonnet offerts par Blandine et 2 mouchoirs. Puis vient le tour des adultes, situation plus confuse car non seulement tout le monde veut être servi en premier mais parce que le tas par personne est énorme. Essayez de prendre à bras le corps, un matelas, un drap (en fait pour nous une couverture), une couette, 2 oreillers, d’enrouler le tout dans une feuille de mousse 2*1.5m, ficeler l’ensemble et le porter vaillamment. On rit beaucoup car il y a des scènes assez comiques surtout lors de la distribution des châles et serviettes de toilette car des coquines s’arrangeaient pour passer devant 2 points de distribution différents. Je pense que c’est pire un 1er jour de solde! Photo de groupe émouvante d’adieu.

Pour terminer, nous avons été invités à prendre le thé dans un groupe de maisons sinistrées et d’abris ce qui nous a permis de voir de plus près les conditions de vie de ces gens si courageux. Merci de leur accueil et de toutes les personnes qui ont fait des dons en France pour cette action de solidarité tant à l’AFEN qu’à Grandir au Népal.

Total de l’opération: 2 600€ dont 1 500€ (L’AFEN) et 1 100€ (Grandir au Népal). Par nature, 2 300€ matériels donnés, 220€ bus, 50€ stockage, 30€ déjeuner des bénévoles présents. La logistique a été assurée par Super Arjun  (commande des matériels, réservation du bus et contact avec les représentants locaux), Betty s’est occupée de la nature des dons selon les normes de l’AFEN et prise en compte des demandes de la population aidée. Repérage commun d’une demi-journée à notre arrivée avec Arjun, Daniel et moi à Katmandu chez les grossistes.

Merci à vous, donateurs qui suivez nos actions de nous avoir donné cette belle occasion de partage et de solidarité. Prenez soin de vous et à bientôt pour de nouvelles aventures. BISES de Betty et Daniel CROZET

PS ; Pour l’aspect touristique, assez décevant, car compte tenu de la brume épaisse depuis plusieurs semaines, les sommets n’étaient pas visibles hélas et nous avons raté à Dhulikel le point de vue du Balcon de l’Everest. Par contre, grande séquence d’émotion lorsqu’Indira et son fils Sujendra sont arrivés devant la propriété familiale voisine, constituée de 3 minuscules maisons anciennes et qui ont été +/- détruites. La maman d’Indira a eu la vie sauve car elle était dehors à s’occuper du Buffalo, mais âgée de 77 ans, elle en a perdue la tête et ne reconnait plus personne. L’un de ses fils et sa famille qui vivait avec elle ont été accueillis dans la maison du frère aîné et c’est là où nous nous sommes retrouvés pour les 2 nuits de notre passage à Kathmandu. Merci à eux pour ce généreux accueil.

 

 

Vendredi 12 Février 2016, Fin de la semaine ; pour nous, c’est demain le 1er de l’an népalais, apportant son lot brouillon d’activités mais ici on vit déjà dans un certain chaos, carrefour des cultures et des langues. Depuis samedi 6, nous avons connu le Nouvel An chinois, l’Année du SINGE. C’était mardi 9, LOSAR, le nouvel An Tibétain que nous avons dignement fêté avec les enfants du home d’enfants d’ « Un Toit sous l’Himalaya », (ex APEK) avec lequel nous avons des accointances depuis des années. Notre 3 ème association franco-népalaise après « Grandir au Népal » s’est installée à Hemja (2 kms de notre Ecole de couture) l’an dernier en quittant Kathmandu trop cher et trop pollué pour des enfants. Il est de tradition lorsqu’un adhérent passe visiter le home d’offrir et participer à une mo-mo party monstre avec les 30 enfants et leurs 2 couples d’éducateurs. Que ceux qui ne savent pas ce que c’est qu’un mo-mo aillent vite chez le traiteur chinois du coin de la rue et ils seront renseignés. Ici, frit ou à vapeur, c’est le délice tibétain des grands et des petits. Pour nous, pas de traiteur, mais 1 atelier de fabrication qui tourne à plein régime avec un partage des tâches impeccable : les garçons armés de petits rouleaux à pâtisserie  étalent la pâte, d’autres font des ronds avec les gobelets d’inox. C’est transporté par les filles sur des assiettes vers d’autres tables de confection. Cette étape requiert une certaine dextérité réservée aux mains les plus habiles car il s’agit non seulement de déposer au centre du rond une quantité de farce mais de le fermer de jolie façon sans que cela ne s’ouvre pendant la cuisson. Je m’y colle tandis que Daniel prend des photos de tous les artisans. La dégustation d’une trentaine de momos délicieux trempés dans une sauce épicée se fait dans un silence apprécié qui tranche avec le vacarme de leur confection! Nous terminons par une orange avant que les enfants de service fassent la vaisselle et nettoient les lieux avec célérité et bonne humeur. Tout se termine par un foot avec Bisou Raj, notre propriétaire qui s’est invité dans ce but. Bhédia, sa fille, nous a dit ce samedi matin qu’il donnait quelques roupies à ses 2 filles quand elles étaient petites pour jouer avec lui ! Trop déçu de n’avoir qu’un fils, cadet en plus. Daniel (avec ses 3 filles) n’a pas fait de commentaires, mais je ne l’ai guère vu jouer avec Alexis son petit-fils, non plus!

Bien évidemment, pour le calendrier népalais (tendance plutôt hindouiste), nous sommes aujourd’hui le 30-10-2072. Si les semaines ont bien 7 jours de 24 h, seul repère commun, les mois commencent autour du 12 au 15 de chez nous et avec les jours fériés (chômés) qui s’empilent pour toutes les communautés du pays (23 officielles), nous vivons les yeux fixés sur un calendrier local. En l’occurrence, la date est importante car elle signe demain le changement de mois et d’année. Pour nos familles, c’est l’occasion d’étrenner leur nouvelle carte de distribution de nourriture gratuite chez leur commerçant. Aussi, nous revenons de Koramok (à pied, car plus de jeep : 8 kms, 2h) poste le plus avancé dans la vallée, qui distribue la nourriture à une quinzaine de familles. A Koramok, la discussion avec le commerçant et sa femme a été animée car leurs prix sont nettement plus élevés que les 3 autres points de vente et ni l’argument du transport, ni celui de l’excellente qualité des produits délivrés n’étaient recevables. Nous avons demandé fermement que les prix au kg soient proches de celui des autres commerçants et que la qualité servie reste de gamme moyenne. Si ce contrat n’était pas respecté, nous irions voir quelqu’un d’autre qui serait bien content de lui souffler le marché. Bien sûr, notre anglais respectif était insuffisant pour ces tractations et nous avions pris la précaution d’être accompagnés par Indira mais aussi par Tech Nath, notable et figure locale respectée qui a même obtenu une remise de 10 000 rp (100€) sur les 35 000 surfacturés en janvier « pour cause de hausses des prix en 2015 ». Merci à nos partenaires népalais qui ont réussi les tractations.

Par contre, nous n’avons pas eu autant de succès lors de la visite de l’école Bahara où nos étudiants de cl 10, soit en terminale, étaient invités à rester en internat 4 mois pour leurs révisions, le tout à un prix prohibitif pour les familles (1 mois d’internat = 10 000 rps, montant supérieur à un mois de salaire ici). Résultat, soit les parents empruntent pour que leur enfant ait les meilleures chances de réussite, soit l’enfant se passe des séances de révisions et prend le risque de ne jamais passer son SLC. L’AFEN s’est toujours opposée à ce système de la réussite par l’argent mais dans la pratique, c’est difficile de dire non aux parents qui ont une vie si dure. Cette année, nous avons 7 étudiants en cl 10 soit potentiellement 210 000 rps de plus à payer  d’internat/extra-classes, seules 3 familles ont demandé de l’aide pour que l’AFEN paye la moitié des frais soit 3*15 000 ce que nous allons faire compte tenu de la grande pauvreté de ces familles et du bon niveau des jeunes. Mais l’an prochain, nous en aurons 12 en fin de cycle secondaire, que faire ? Si le pli est pris, les frais scolaires observés en hausse un peu partout, pourraient flamber et les familles démunies ne pourraient plus envoyer leurs enfants à l’école même gouvernementale où le niveau, de surcroît, est faible. Pour l’AFEN, le budget pour l’aide aux 88 enfants actuels serait prohibitif. Espérons que la raison et la modération vont revenir et la situation politique et économique s’améliorer.

On ne connait pas encore les conséquences à venir du décès brutal à 78 ans de Susil KOIRALA, ex 1ER ministre et personnage très influent encore tous ces derniers jours. Le pays était en état de choc cette semaine et 1 jour de deuil a été décrété mercredi pour les écoles et fonction publique. Sans y voir une relation de cause à effet, il a été mis fin jeudi au blocus à la frontière et les camions d’essence et de gaz commencent à réapprovisionner le pays. La situation devrait redevenir normale mi mars et les longues files aux pompes disparaitre. Néanmoins, nous avons pu constater lors de nos virées, les imposants tas de bois coupés devant chaque maison : la pénurie de gaz pendant 5 mois a annihilé tous les efforts entrepris pour limiter voire stopper la déforestation. Dramatique, quand on connait les conséquences (érosion, glissements de terrains …). Seule bonne nouvelle, les chaines de l’Annapurna sont sorties du brouillard et nous pouvons les admirer de nouveau à chaque heure, majestueuses dans tout leur éclat.

Ce samedi matin, tandis que Daniel réceptionnait et rangeait sur les étagères les cahiers pour la nouvelle session (ce qui représente un certain volume et poids : 274 Dz dont 54 de petits, 75 médium et 85 gros pour les élèves 2016), j’assistai avec Indira à une remise de prix dans l’école de Bipana et Ram, nos petits protégés que nous aimerions mettre à l’abri au Home d’Enfants). L’AFEN était invitée avec une arrière pensée bien sûr, car l’école est pauvre, beaucoup d’enfants ne peuvent payer ni frais scolaires ni cahiers et n’a même pas assez de bancs pour tous les asseoir ! Bref, j’ai craqué et offert 2 bancs qui seront fabriqués par le charpentier qui doit nous faire ceux commandés pour le dispensaire. Comme il a perdu son père cette semaine, on ne sait pas si nous les aurons à temps pour le meeting de la clinique, samedi prochain. Notre espoir (égoïste), c’est qu’il est chrétien et non soumis aux rites hindouistes de deuil très contraignants pour les fils. Outre la conduite de la crémation, ils doivent se purifier des semaines, éviter les contacts et vivre à part (hors de leur maison), ne manger que des aliments blancs, être vêtus de blanc pendant un an et certainement plein d’autre chose que nous ne soupçonnons pas. Bref, on verra !

Bonne fête des amoureux (très prisée au Népal !) à tous le 14. BISES affectueuses de Betty et Daniel Jeudi 18 Février 2016. Les derniers jours au cœur de l’action sur notre vallée provoquent une certaine accélération du temps, il nous faut tout terminer auprès des familles, commerçants, dispensaire et école de couture. Ouf, tout semble OK avec quelques négociations pour s’ajuster mutuellement en fonction du coût de la vie qui a beaucoup progressé l’an dernier (entre séismes et blocus sur le transport de marchandises aux frontières avec l’Inde sans compter les directives gouvernementales sur la fixation des salaires qui provoquent des espérances). Nous pensions en avoir terminé avec le blocus la semaine dernière (pause de 3 mois disent les négociateurs avant d’arriver à un accord pérenne). Hélas, ce conflit a été relayé 3 jours après par un autre : grève sur les bus locaux à Pokhara qui gagne les alentours. Il semblerait qu’une nouvelle compagnie veuille s’installer, menaçant les autres en place. « Les », car n’importe qui peut pratiquer le transport de personnes dès lors qu’il possède 1 ou plusieurs cars plus ou moins défoncés, avec quelques places assises. Il peut aussi s’agir d’une tentative d’organisation des transports au niveau de la municipalité, excluant du coup les « artisans ». Plus certainement un mixte des deux. La grève nous a pris le 16 par surprise à Pokhara et, après beaucoup d’attente, de partage de taxis et de négociations de prix, nous sommes revenus à la maison au bout de 3 heures (10 kms). Le taxi ne pouvait pas passer n’importe où sous peine de subir des exactions : ici, la grève des bus élimine, en principe, toute autre forme de circulation, allant jusqu’aux véhicules privés alors qu’ils venaient enfin de pouvoir remplir de nouveau leurs réservoirs d’essence. Frustration ! Du coup, je surveille ce qu’il en est des liaisons longues distances normalement non touchées, mais ce matin, il semblerait que le bus pour Kathmandu ne soit pas au rendez-vous et la boutique de réservation fermée depuis hier. Quid pour dimanche, jour de mon départ ? Wait and see car peu d’informations circulent (elles aussi) si ce n’est contradictoires, ce qui n’aide pas et ajoute à la confusion ambiante.

Dans les tâches qui restent à faire, figurent les démarches administratives pour obtenir des papiers d’identité pour les 2 enfants que nous souhaiterions voir intégrer le home « Un toit sous l’Himalaya », ce sera pour lundi prochain. Nous avons vu les enfants hier après l’école car Ram, 7 ans était malade et avait dit à sa sœur d’aller demander de l’aide à l’AFEN. (Bonne pioche car comment auraient-ils pu payer les 1000rp demandées ?) L’enfant est fiévreux et il semblerait que le père soit malade aussi. Bipana va le chercher et nous donnons rendez-vous à la pharmacie locale où le praticien fait aussi office de médecin. De fait, il ausculte, interroge et donne les traitements aux 2 malades, victimes d’une intoxication alimentaire, Bipana recevant les consignes pour les administrer car elle sait lire. Elle a 13/14 ans et s’est toujours occupée de son petit frère surtout depuis la mort de sa mère il y a 4 ans. La situation de cette famille, déjà pas claire, le devient encore plus. Nous l’avons toujours vue isolée depuis que nous la connaissons (6 ans) et vivant dans des conditions précaires mais cela dure depuis une vingtaine d’année, d’après Indira. Les parents des enfants seraient cousins germains (tabou très grave ici comme ailleurs) et lorsque Sita s’est retrouvée enceinte très jeune, ils ont été chassés de leur famille respective et ostracisés, ce qui explique leur isolement, peut-être aussi le rapport du père avec la boisson et le suicide de la maman. Cinq enfants sont nés dont nous ne connaissons que les 4 derniers. La fille aînée a été mariée vers 16 ans et le garçon a commencé à travailler à 13 ans dans un élevage de poulet pour quitter la maison il y a 4 ans au décès de sa mère. Du coup, l’obtention de papiers d’identité pour les enfants risque d’être encore plus compliquée que prévu, rendant la présence du père indispensable dans toutes les démarches, ce qu’il a accepté. Si dans les mariages d’amour, les jeunes sont exclus aussi de leurs familles respectives, les choses peuvent s’arranger à la naissance du 1er enfant, mais pas dans les unions entres castes différentes ou ici, en cas d’inceste ou de tabou. Dur!

Du fait de la grève des transports, tous les rendez-vous que nous avions aujourd’hui avec les jeunes étudiants ont sauté et sont reportés à demain. Ils sont soit en cl 10 (terminale) soit en cl 11 et nous voulions discuter de leurs projets. Certains veulent passer leur permis de conduire, ce qui peut les aider à trouver du travail car son prix est exorbitant ici. D’autres sont tentés par une école technique en relation avec les soins aux animaux et aux cultures, d’autres voudraient continuer en voie générale ou vers l’informatique… Pas facile car les formations (rares) sont aussi très chères et nous hésitons toujours à justifier leur bien-fondé. Avec 1 jeune en école professionnelle, on peut nourrir 3,  4 familles  et envoyer une douzaine d’enfants en primaire. Dilemme. Sans compter les stratégies familiales visant à nous faire payer une scolarité à une jeune fille que les parents vont s’empresser de marier, faisant miroiter au futur marié la bonne affaire réalisée. Si elle reste sur place, la poursuite d’études peut se faire, mais si elle déménage loin, c’est perdu, souvent au désespoir de la jeune fille elle-même.

Du coup, j’ai enfin pu vider tranquillement les sacs emmenés de Paris et qui contenaient en plus des vêtements à donner, des tissus et aiguilles à tricoter pour l’Ecole de couture et quelques douceurs pour nos hôtes et amis. Les dons sont bien distribués cette année et couvrent aussi bien les garçons que les filles et tous les âges sont présents. Les pulls tricotés main sont très appréciés des familles car originaux et chauds. Mme Lama OLCHE nous a dit reconnaitre à coup sûr chacun de ses 4 garçons qui courrent dans la montagne à ses rayures aux couleurs audacieuses. Comme les pulls sont solides, on a toujours plaisir à les reconnaître d’un enfant à un autre. Merci à tous les donateurs qui ont vidés leurs armoires, les vêtements offerts vont connaître d’autres vies plus rudes et très animées et pas forcément beaucoup de savon. La lessive se fait à l’eau froide, dans la rivière ou à côté des fontaines. Elle s’étend sur les haies, les talus, dans les arbres ou les fils de fer barbelés ! L’autre jour, un prof dont l’épouse tient une épicerie, a interpellé Daniel pour qu’il regarde le fonctionnement de sa machine à laver toute neuve. Daniel, prudent, a prétexté un incompréhensible mode d’emploi en chinois et anglais pour décliner l’offre, mais ça laisse rêveur. Comment utiliser un engin sophistiqué, bourré d’électronique dans un pays où l’eau n’est pas courante (chacune remplit, à tour de rôle, son réservoir à la fontaine collective avec un tuyau, les disputes (fréquentes et bruyantes) étant liées à des débranchements sauvages. Elle n’est pas constante, et comme pour le courant, il y a des heures de coupures attendues et les imprévues. Comment s’équiper dès lors ! Cette année avec l’absence de ravitaillement en gaz (type butane) les femmes ont retrouvé le bois à la campagne, mais d’autres ont découvert la cuisine à l’électricité sans électricité. Pas terrible de manger le Dal Bhat quotidien froid ou à moitié cuit. Le photo voltaïque se développe bien malgré son coût et dès qu’il fait un peu soleil, quel confort de prendre une douche chaude. Les gens s’équipent aussi de petits panneaux suffisant pour le service d’une à 2 ampoules à faible voltage dans la maison (moins romantique que la bougie mais moins d’incendies) et de batteries qui se chargent en cas de courant la nuit et restituent l’énergie la nuit.

A propos de nuit, je vais aller me coucher, demain, c’est Jour de la Démocratie (notre Fête Nat) et jour du Comité du dispesaire en montagne. Portez-vous bien pendant que nous bronzons par 25° SOUS UN SOLEIL ARDENT !!! Jaloux ? L’an prochain, on vous invite à venir si vous voulez ! Bises à tous de BETTY et DANIEL de l’AFEN

Mardi 23 février 2016, Betty est partie comme prévu dimanche 21 après un week-end bien chargé avec la réunion du Comité du dispensaire bien géré cette année tant sur le plan de l’activité que pour l’aspect financier. C’est une grande satisfaction, en dépit de trouble-fêtes habituels qui tentent toujours de s’immiscer dans l’activité pour faire parler d’eux ou se faire de la publicité à bon compte pour leur activité commerciale en laissant croire qu’ils financent le dispensaire. Ce sont des nuisibles qui ne trompent personne car la population est maintenant au fait de la réalité ; à savoir, l’AFEN est le quasi pourvoyeur de fonds (90% en 2015) pour le fonctionnement du dispensaire, (et ce depuis l’origine), la municipalité locale pour 5% et une personne qui a collecté les fonds pour les 5 autres %. Un hôtel local voudrait bien mettre sur sa publicité qu’il aide un dispensaire en lui envoyant des volontaires, en donnant des médicaments, de l’argent … Ce qui n’est guère le cas pour les fonds, quand aux médicaments, notre nurse n’a pas de compétence pour prescrire des antibiotiques et autres. Nous répétons qu’ils doivent être remis à l’hôpital. ! Il n’est pas impossible, qu’effectivement ils aient récolté des dons de touristes de passage dans leur lodge, mais le dispensaire n’en n’a jamais vu la couleur et les relevés bancaires l’attestent. Aussi, leur insistance usante les dessert auprès de la population mais nous n’avons aucune possibilité de contrôler le contenu de leur message publicitaire tourné vers les touristes. Nous persistons à refuser un panneau du genre « Aidé par Eco-Village » dans l’enceinte privée du dispensaire et allons demander l’aide d’ARJUN, ancien pupille de l’AFEN de 8 à 18 ans, et propriétaire népalais de la parcelle (en tant qu’étranger nous ne pouvons acquérir aucun terrain). Ce bras de fer est habituel et ne nous émeut pas car les faits parlent pour nous et les népalais présents sont les meilleurs défenseurs de l‘existence de ce service utile à la population et où il n’y a pas de corruption. Tout est transparent. La seule chose que nous avons concédé, est de mettre à disposition des personnes qui passent et veulent donner, un registre qui permettrait de connaitre leur identité, leur pays, leur adresse internet et le montant de leur don. Ce n’est évidemment pas ce qui était souhaité par la partie adverse, mais ce n’est pas une contrainte trop lourde pour les gestionnaires et permettra aux donateurs (grands et petits) d’avoir le plaisir d’être reconnus.

La nouvelle de la fin de la présence de l’Afen cette année s’est répandue et comme averties par l’air ambiant, plusieurs familles se sont bousculées pour arrêter les dernières décisions notamment pour les jeunes en fin d’études et qui doivent parfois se débattre dans les difficultés autres que celles normales des révisions ! Qu’on se rappelle les affres que nous avons tous connu avant le bac ou un examen important; et bien là, en plus, pèse sur leurs épaules, à 16, 17 ans, le fameux financement des extras-cours. Ils ont été multipliés par 5 cette année, du fait du rallongement de la durée des cours supplémentaires de 1 à 3 mois, et surtout donnés exclusivement en internat, ce qui surenchérit les coûts. De 6 à 7 000 rps l’an dernier, nous sommes passés à 33 000 rps. Les familles qui le peuvent s’endettent, les autres jeunes renoncent à se présenter à l’examen. Nous avons considéré chaque situation avec les lycéens pour évaluer leur motivation, leur capacité de réussite, les positions de repli et une exceptionnelle participation partielle de l’AFEN. La situation qui nous a le plus ému est celle d’un jeune Sange qui non seulement a cherché une école moins chère à Pokhara, mais a trouvé un prêt qu’il remboursera dès les examens passés en travaillant dans les champs pour son sponsor. Nous sommes allés payer l’autre moitié à l’école. Ayant les pieds sur terre et bien conscient de la précarité de la condition de sa famille, il souhaite travailler vite. Il habite une misérable maison en bambous au bord de la route avec ses grands parents usés par la pauvreté et le travail. Ses parents ont disparus depuis une dizaine d’année sans donner depuis des nouvelles, il y a aussi une petite sœur Sandya, retardée mentale que nous avons mis depuis 3 ans (et pour son plus grand bonheur) dans un internat spécialisé et où elle apprend à lire/ écrire et Sangita, une sœur de 16 ans qui travaille depuis cette année comme domestique à Kathmandu. A 18 ans, nous lui financerons son permis de conduire comme à 2 autres garçons qui ont montré leur motivation par leur travail assidu en classe et leur capacité à autofinancer leur classes 11 et 12. Le permis de conduire est un bon viatique pour trouver du travail par la suite. 

Lundi 22, grand jour pour entamer les démarches administratives à Koramok avec les 2 enfants Bipana et Ram et obtenir leur certificat de naissance. Puis, dans la foulée, retrouver Technat à Bidawari pour sa grande Puja. Première déconvenue: le père des enfants qui devait nous accompagner est «absent» car de « mariage » !!!! Nous partons sans lui avec Saradar qui est invitée aussi à la Puja. 1 heure plus tard nous débarquons à la VDC ( +/- notre Mairie); tambour battant, Indhira et Saradar passent devant une cinquantaine de Népalais présents (comme elles font parties des castes dominantes, les autres s’écrasent) et entament une virulente discussion de 30 min. avec pour résultat, l’obtention des actes de naissance des enfants pour le lendemain (pour info, le responsable de la VDC est parfaitement au courant de l’histoire familiale et abonde dans le sens de notre action de placer ces 2 enfants au Home d’enfant « Un Toit sous l’Himalaya »); les enfants restent sur place chez leur grands parents pour faire leur connaissance et y dormir avant de nous retrouver demain à Hemja. Quant à nous, nous reprenons notre route à pied vers Bidawari qui se trouve en face de la VDC, avec un gué à passer à pied (à noter que Saradar est en grand sari et petites tatanes des jours de fête).

Nous voici donc arrivés vers 12h chez Tekh Nat qui préside sa grande Puja (fête en l’honneur des 84 ans de sa mère et de « l’intronisation chez les adultes» de son dernier fils de 22ans! (normalement, cette cérémonie qui se pratique vers 16 ans est indispensable pour se marier). Nous sommes une bonne centaine d’invités et la fête bat son plein. Tekh Nat a investi l’école publique, mitoyenne de sa maison, pour installer les cuisines et ses invités; (c’est normal, il y était prof jusqu’à cette année!). Arrive le moment le plus important et émouvant pour la grand-mère, portée sur le dos d’un « prêtre », qui fait le tour de tous les invités et la place sur le plateau d’une grande balance romaine. Après quoi, les invités vont déposer sur l’autre plateau, des rouleaux de pièces népalaises à due concurrence de son poids (une toute petite vielle dame, au demeurant)! Pour l’anecdote, en discutant avec un des fils de Tekh Nat, il me dit à l’oreille que l’argent n’est pas pour sa Gd Mère mais pour les maitres de cérémonie (ils sont +/- 10). Quelques heures plus tard, nous reprenons la piste à pied (tjrs très peu de jeep et pas de cars); 5km plus loin, à un croisement mi parcours, nous avons la chance de trouver un bus scolaire en fin de tournée; nous pratiquons le « stop » et sommes tous pris gratuitement, c’est ti pas chouette!

 Mardi 23, lendemain de cette journée chargée, vers 10h, nos 2 enfants Paryar arrivent avec leurs 2 actes de naissance, mais « petit problème » car dans le feu de l’action, il manque le certificat de décès de la maman. Bipana repart donc vers Bidawari pour une nouvelle visite à la VDC pendant que nous gardons le petit frère ; la journée se passe sans nouvelles de la jeune fille (elle a dû attendre son tour, car de très basse caste), nous gardons alors Ram, car le père est toujours absent, nous le nourrissons et il va dormir avec Indhira ; il est tout heureux de ce séjour « hôtelier ». Demain sera un autre jour, mais ces récits vous donnent un aperçu assez fidèle de nos journées trépidantes, toujours pleines de découvertes et d’imprévus. Nos étonnements devant la réalité des rapports hiérarchisés par l’appartenance aux castes nous sont douloureux aussi. Mais, la suite au prochain épisode, du projet « Placement des enfants Paryar »….

Le feuilleton sur les enfants Paryar continue et vous vous souvenez des démarches à la VDC (mairie locale à plus de 7 kms tout de même) pour obtenir les certificats de naissance des enfants ? (cf lettre 8) Comme le certificat de décès de la maman avait été donné tardivement (le père étant introuvable), Bipana avait dû y retourner seule. Le 23 février, nous avons  remis à l’école Laxman (ex Ram, magie du certificat, l’enfant y portait un autre nom !), que nous récupérons vers 16h pour sa 1ère séance chez le coiffeur (il n’y avait jamais été), puis retour chez lui où nous arrivons en même temps que son père. Par contre, sans nouvelles de Bipana depuis 2 jours, nous rentons au Training (est-elle chez ses grands-parents juste découverts ? ou ailleurs ?).   

24 Février, nous nous préparons vers 9h30 pour aller voir le « carpenter » et prendre des nouvelles de notre commande de 4 bancs. Rappelez-vous, 2 sont destinés à une école primaire démunie qui manque de mobilier devant l’afflux d’enfants et les 2 autres sont pour le dispensaire. La confection des bancs a été retardée parce que le manque d’électricité le jour ne permet pas le débitage des planches et faire le travail à 22h, quand il y a un peu de courant, soulèverait des vagues de protestations : donc on attend ! De plus, le père de famille est décédé il y a 15 jours et notre charpentier n’a pas le droit de travailler avec des outils, par contre, il peut déterrer des pommes de terre dans les champs où on le retrouve. Il est chrétien donc il ne suit pas- en théorie- les rites funéraires hindouistes mais dans la pratique, son frère l’étant, il lui a ordonné de respecter au moins son défunt père et sa famille. Décidemment, le sort s’acharne sur nous cette année.

 Indhira reçoit alors un appel de Technat lui demandant expressément de monter au dispensaire pour le retrouver avec le Gurun car un groupe de touriste nous y attend pour nous remettre un lot de médicaments; Daniel monte directement par Suiket en ¾ d’heure (temps d’un népalais entrainé car il y a plus de 800m de marches). A son arrivée, il y a 10 Hollandais encadrés par 2 membres d’Eco-village ! Pas de Technat, ni de Gurun ; Daniel fait la présentation de L’AFEN au groupe et met les points sur les i quant à la différence d’action entre L’AFEN et Eco-Village qui fait du Business  et veux à tout prix s’intercaler dans notre action caritative et désintéressée pour se faire une méga pub sur notre dos. Sur ce, Mister Gurun arrive avec le thé! Il présente le dispensaire en parlant de l’action de L’AFEN, puis remercie en notre nom, les donateurs pour le lot de médicaments, avec distribution de Katas. En tant que président du comité de gestion du dispensaire, il déploie des trésors de diplomatie sur une situation quelque peu tendue. Puis tout le monde s’égaye et Daniel redégringole sur Hemja; c’est dans le bus en arrivant que Technat l’appelle; il vient d’arriver en haut (après la bataille donc) et il n’y a plus personne. Daniel se confond en excuses pour ne pas l’avoir attendu et rentre à l’école de couture pour le déjeuner.  Là, bonne nouvelle annoncée par  Indhira: Bipana est de retour avec le certificat manquant  après un passage chez « son ami (?)». Nous allons pouvoir passer à l’étape suivante. 

   Ce soir (25/02) changement de décor après l’appel de Betty entrant dans sa maison de St Maur sans chauffage, 7 à 8 ° même en rentrant du Népal, c’est frais ! Le gaz a été coupé  par un invité que nous avions hébergé quelques jours en notre absence. Dépannage par téléphone. Demain sera un autre jour.  Vendredi 26, séjour à Pokhara pour finir les actions de L’AFEN, puis Samedi et Dimanche il est prévu de monter à Sidding, ne sachant pas ce qu’il s’est passé lors des tremblements de terre (école partiellement détruite ?, ++++).

27 Février, Après tergiversations en raison d’une météo incertaine et un début de migraine, Daniel décide de partir pour Sidding, dernier hameau tout au fond de la vallée (20 kms d’Hemja) situé en altitude (2 000m) devant le Machhapuchhare; çà commence fort , car n’ayant pas de place dans la Jeep après 1h d’attente,  il se retrouve sur le toit pour un rodéo de 2h !!! Le conducteur de la jeep conduit comme Fangio, résultat, Baburam, l’accompagnateur rate la rencontre à Koramock (mi -distance) ; Daniel arrive donc seul à Sidding vers 13h30, heureusement il ne pleut pas. La foule dans la Jeep s’explique par un mariage qui a lieu à 2 minutes  de l’école. Connaissant bien les lieux, il en profite pour visiter la fameuse école: l’ancienne est tombée pendant le tremblement de terre et grâce à une association  Internationale, un nouveau bâtiment est sorti de terre et sera fini dans 1 mois ; une petite nurserie et des toilettes y sont adjointes. En se dirigeant vers la maison de Shanti, la directrice de l’école, Daniel est accueilli par son époux qui s’empresse de l’emmener sur les lieux du mariage, ce qui lui permet de se restaurer. Quant à Shanti, elle est à Pokhara pour examens et rentrera cette nuit. Baburam me rejoint dans l’après midi, venu à pied. Je finis la journée en me promenant dans le joli bourg étagé sur 300m de dénivelé; très belles maisons typique Gurung qui ont bien résistées au séisme, car, hormis la vieille école, aucune maison n’a été détruite. Nous dinons de nouveau au mariage et retrouvons Shani et ses 2 enfants chez elle vers 21h. Retrouvailles sympa puis dodo bienvenu dans l’abri habituel de planches disjointes sur la terrasse de la maison dominant le ravin.  Frisquet !

Le matin 28 Février, à 7h nous reprenons le chemin de Lumré mais à pied c’est beaucoup plus agréable et 2h plus tard nous sirotons un Népali-Tea en attendant le bus  qui va nous ramener à Hemja en 1h30 sans arrêter de klaxonner (hélas) pour ameuter les clients « infernal, pour qui n’est pas sourd ! ».

J’attaque ma dernière semaine à Hemja ; nos propriétaires, Saradar et Bijuraj, sont malades, ambiance morose. Mais, heureusement Biddhia est arrivée de Katmandu  après la fin de ses examens à l’échelon national: elle est infirmière diplômée d’Etat après avoir été la meilleure élève de sa promotion pendant les 3 ans ½ de sa formation. Ce qui était une formalité a failli capoter, car enceinte de 7 mois, son médecin hésitait à la laisser partir, le voyage étant très fatiguant avec un risque d’accouchement prématuré à la clef. Elle a donc pris l’avion avec son mari (baptême de l’air ensemble!) et sont rentrés à temps pour fêter leur 1er anniversaire de mariage. Elle va pouvoir se reposer et consacrer les dernières semaines de sa grossesse au bébé; elle est sereine et souriante.

Fort contraste avec  Bipana arrivée en pleurs accompagnée d’une amie adulte; son père vient de l’expulser  et l’a frappée en lui disant qu’elle devait mourir comme sa mère (qui s’est suicidée il y a 3 ans, rappelons-le) !!!!! Nous l’apaisons et lui confirmons notre rendez-vous le vendredi 4 mars où nous allons tous les 4 (Indhira, Bipana, Laxman et moi) à Pokhara au Comite-District pour obtenir les documents qui nous permettrons de placer (on l’espère fort) ces 2 enfants au Home d’Un Toit Sous L’Himalaya. Aujourd’hui 2 Mars je vais leur rendre visite pour rencontrer le responsable Bishnu, faire le point avec lui sur l’avancement de l’affaire « Famille Sita Paryar BB » et faire mes adieux à tout le home pour cette année, même si je le revois au printemps à Palaiseau puisqu’il doit venir 1 mois en France. Pour moi, l’Aventure se termine ici le samedi 5 /3 où je repars pour  Kat.

PS/ Dernière nouvelle de « Radio Pont à Bidawari » par Technat, lui-même surpris : mariage de Showa  Paudel !  Sa mère que nous avons vue, il y a 8 jours ne nous avait rien dit. (Pour mémoire, Showa vient de finir ses examens de Secrétaire Médicale).Bref, contrat rempli : pas de mariage avant la fin des études sinon arrêt de l’aide de L’AFEN.                                                                                       Daniel d’Hemja et Betty de St Maur,  le 3 mars 2016

Date de dernière mise à jour : 14/04/2016

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